La plupart des propriétaires de chiots sous-estiment l’importance de la brève période de socialisation, voire ignorent son existence. Si vous n’êtes pas familier avec ce concept, la période de socialisation est une période déterminante dans le développement du chiot, s’étendant de la 3e jusqu’à environ la 12e semaine de sa vie.
Je vous avertis tout de suite, cette thématique est très complexe et c’est pourquoi cet article est plus long que la majorité de mes publications, en fait, il comporte deux parties bien chargées! J’ai tenté de fournir un maximum d’informations, car le sujet est vaste et extrêmement important. C’est pour cette raison qu’un cours de maternelle est, à mon avis, indispensable!
Dans la nature, le chiot serait encore avec sa mère et sa fratrie, apprenant ce qui est sécuritaire ou non. Il enregistrerait au fil de multiples rencontres, à quoi il peut faire confiance. En quittant cette période vers l’adolescence et en devenant plus aventureux, son instinct lui dira généralement de se méfier de tout ce qu’il rencontre de nouveau. C’est en fait une excellente stratégie pour rester vivant. L’animal qui n’ira pas explorer candidement un tigre a plus de chance de survie! C’est pourquoi dans la nature, avoir peur de ce qu'on ne connaît pas est une stratégie vraiment efficace pour rester en vie! Les chiens plus âgés peuvent, avec plusieurs expositions et beaucoup de temps, apprendre à élargir leur cercle de confiance, mais le travail étant beaucoup plus ardu, il est primordial de profiter au maximum de cette période pour en tirer le plus de bénéfices possible. On ne peut d’ailleurs pas resocialiser un animal qui n’est plus dans sa période de socialisation. On peut lui apprendre à faire confiance, mais on ne parle plus de socialisation à ce stade de développement.
Une socialisation réussie diminue les chances que votre chien développe de l’agressivité, de la peur ou de l’anxiété dans sa vie adulte.
Lorsqu’un chiot est déjà craintif ou même réactif en bas âge, les gens ont souvent à tort le réflexe de se dire: “ce n’est qu’un bébé, ça va passer”. Et bien non, c’est une grave erreur. Si aucune intervention n’est faite à ce moment, cette peur ne cessera probablement pas d’elle-même et il sera beaucoup plus difficile de corriger la situation plus tard. De plus, la peur a tendance à se généraliser, c’est un mécanisme de survie très efficace. Un chiot peureux risque de devenir un chien encore plus craintif à l’âge adulte, anticipant du négatif venant de tout ce qui est nouveau. On parle aussi d’un chien qui devient pessimiste, la nouveauté n’apporte rien de bon à ses yeux.
Les experts sont unanimes, il faut débuter la période de socialisation le plus tôt possible. À titre d’exemple, voici la vision de la société américaine des vétérinaires en comportement canin. Un bon éleveur débutera le travail, mais le plus important reste à faire dans la nouvelle famille, dans le réel environnement de vie du chiot. Dès que le chiot a eu quelques jours pour explorer sa nouvelle demeure et qu’il a reçu une première dose des vaccins de base depuis au moins 7 jours, la priorité pour les prochaines semaines devrait être sa socialisation.
Concrètement, il s’agit de faire vivre des expériences positives au chiot en le mettant en contact avec tout ce qui fera partie de sa vie de chien adulte tout en évitant qu’il ne vive d’expériences négatives. Les éléments à couvrir seront très différents d’un chien à l’autre, tout dépendant de son style de vie futur. Est-ce un chien qui vivra majoritairement à la campagne ou dans une tour d’habitation? Est-ce un chien qui ira faire du bateau l’été, vous accompagnera lors de randonnées à cheval ou sera un chien d’assistance? Il sera impossible de tout présenter à votre chiot en un si court laps de temps, c’est pour cette raison qu’il est essentiel de prioriser les expériences à vivre selon la vie envisagée avec votre compagnon. Prenez le temps d’écrire une petite liste de toutes les situations où l’on souhaite que notre chien soit à l’aise pour le futur. Les listes déjà toutes faites peuvent aider à ne rien oublier, mais ne les suivez pas à la lettre. Personne ne peut cocher toutes ces cases et faire un bon travail d’exposition avec le chiot. Vous devrez prioriser selon votre mode de vie et la personnalité de votre chiot.
N’oubliez pas non plus les expériences qui ne feront pas partie du quotidien, mais qui seront inévitables, comme les visites chez le vétérinaire ou le toiletteur. C’est à cet âge qu’un chiot devrait apprendre à aimer ces endroits et ces différentes manipulations!
La chose la plus importante pendant cette période est d’éviter toute expérience négative, c’est encore plus important que de faire vivre de belles expériences. Les premières impressions comptent énormément et le chien (comme tout mammifère) est programmé pour être marqué plus facilement par la peur que les bons moments. Il faut tout faire en notre pouvoir pour éviter les expériences désagréables pendant cette période. Souvent, il ne suffit que d’une seule exposition déterminante pour que le chien soit marqué sévèrement. Ce que ça signifie en fait, c’est de ne rien laisser au hasard. On évite à tout prix le parc canin (qui ne serait pas sécuritaire d’un point de vue médical de toute façon), on s’assure que les personnes rencontrées suivent nos consignes, on respecte le rythme du chien et on présente très progressivement la nouveauté pour éviter de submerger le chiot.
Pour respecter ce rythme, il faut tout d’abord une excellente compréhension du langage corporel de votre ami canin. C’est pourquoi la première étape est d’étudier le langage canin. Une fois que vous comprendrez sa langue, vous serez en mesure de l’accompagner dans sa socialisation.
Il s’agit en fait d’exposer votre chien aux nouveaux environnements, mais de manière contrôlée. Vous devrez surveiller en tout temps si la posture du chien est optimiste, s’il a besoin de plus de temps pour observer à distance, s’il désire prendre de la distance ou s’approcher. Le rythme de votre chien doit absolument être respecté; il doit être libre de refuser ou de retarder les contacts. Assurez-vous que c’est toujours votre chiot qui avance vers la nouveauté et non les gens, les animaux ou les objets qui s’approchent de lui. Actuellement, votre chiot est plutôt sans défense et les impacts à court terme de ne pas avoir respecté ses limites ne seront peut-être pas visibles. Cependant, lorsqu’il sera un peu plus vieux et qu’il apprendra à s’affirmer, vous verrez que si vous ne respectez pas ses limites, il les imposera, et ce n’est généralement pas apprécié des humains.
Lorsqu’on introduit le chiot à des objets inanimés, on peut simplement laisser ces objets devenir neutres ou banals. Il n’est pas nécessaire de créer une association positive avec ces items; l’important est que votre animal n’en ait pas peur, qu’il puisse y être indifférent sans problème. Par contre, lorsqu’on parle d’objets comme une brosse, un coupe-griffe, un séchoir, la voiture ou encore des personnes ou des animaux avec lesquels il y aura des interactions, il est essentiel que l’association soit positive. Dans ces situations, l’usage de la nourriture et du jeu donnera les meilleurs résultats. Consultez l’article suivant pour en apprendre davantage sur les procédures pour socialiser adéquatement votre chiot aux objets importants, aux humains et aux autres chiens.
Il peut sembler simple d’utiliser de la nourriture pour que le chien apprécie une rencontre ou un objet, mais certaines règles de base doivent être respectées pour que le processus soit réellement efficace. Tout d’abord, quand on parle de nourriture, on ne parle pas des croquettes du chien. On recommande d’utiliser la ration du chien pour apprendre un assis, un couché ou la marche au pied, mais quand on désire laisser une impression positive au chien, on doit sortir l’artillerie lourde: saucisse, viande bouillie, fromage fort, purée pour bébés, nourriture en conserve, tout est à considérer, tant que le chien en raffole et qu’il n’y a pas de contre-indication pour la santé de votre animal.
Une fois la succulente nourriture sélectionnée, il est crucial de l’utiliser convenablement. Évitez de mettre la nourriture au sol ou dans les mains de la personne qu’on tente de présenter pour attirer le chien vers la nouveauté. La nourriture ne doit pas être un appât, mais plutôt une récompense pour avoir été téméraire. La nourriture devrait apparaître seulement une fois que le chien a avancé vers l’inconnu ou a démontré de l’intérêt. Il est souhaitable de le récompenser chaque fois que le chien regarde quelque chose qui lui semble inquiétant ou qu’il avance dans sa direction.
Si jamais le chien refuse de prendre de la nourriture qu’il trouve généralement fantastique, il est alors probable que la situation soit trop stressante et il est souhaitable de réduire l’intensité de l’exposition en prenant de la distance ou en diminuant le stimulus qui est perçu comme inquiétant.
Le jeu est également un excellent indicateur; votre chiot acceptera probablement de jouer dans tous les environnements où il est à l’aise. S’il refuse de jouer, cela signifie qu’il n’est pas suffisamment confortable dans cette situation. Il serait souhaitable de lui donner un peu plus d’espace et d’essayer à nouveau de faire jouer votre chien quand la situation sera moins intense. Passer un bon moment en jouant avec ses humains ou un autre chien est définitivement une façon de rendre un nouvel environnement positif!
Il est essentiel de garder un œil attentif envers le langage corporel de votre chiot, car une exposition trop intense, même si elle ne nous semble pas négative, peut engendrer de la sensibilisation. La sensibilisation est le processus inverse de ce que nous cherchons, c'est-à-dire un chiot qui devient de plus en plus réactif à son environnement. Alors si votre chien refuse de jouer, de prendre de la nourriture, devient plus agité, se fige ou tente de s'éloigner, il est important de le respecter et de se retirer quelques instants avant d’approcher à nouveau à son rythme.
Malgré l’importance de la socialisation, il ne faut pas tomber dans le piège d’en faire trop! Assurez-vous d’offrir beaucoup de repos à votre chiot et de ne pas remplir ses journées exclusivement d’activités de socialisation. Il faut trouver l’équilibre entre le repos, l’activité physique et l’activité mentale. Les nouveaux propriétaires ont souvent tendance à offrir trop d’activité physique, créant ainsi des petits monstres-athlètes qui deviennent très en forme et qui ont toujours besoin de se dépenser pour être bien. En général, offrez davantage de moments calmes et de stimulation mentale. La stimulation mentale comprend la socialisation, l’entraînement, mais aussi le fait de travailler pour sa nourriture. C'est une excellente pratique de ne pas nourrir le chien dans un bol, mais de le faire travailler pour sa nourriture en lui donnant ses croquettes dans une balle distributrice, un tapis de fouille ou simplement en cachant sa ration dans la maison. Faire travailler votre chiot avec son nez est une des plus belles choses que vous pouvez lui offrir.
On souhaite toujours faire de notre mieux et donner toutes les chances au chiot de se développer harmonieusement, mais il faut se rendre à l’évidence, on ne pourra pas tout couvrir en l’espace de quelques semaines. Nous avons déjà parlé de l’importance de prioriser, mais il faut aussi savoir miser sur la qualité plutôt que la quantité. Puisque le temps est compté, offrez quelques expériences hyper positives à votre chiot, où il aura la chance de dicter le rythme des interactions plutôt que plusieurs petites rencontres qui ne seront pas idéales et significatives, car trop précipitées. Prenez le temps de bien faire les choses.
En plus de la qualité des expositions, le ratio entre les expériences agréables et désagréables ou neutres est très important pour que votre petit protégé se fasse à l’idée de s’il aime ou non quelque chose de nouveau. Donc, si votre chiot a eu une expérience un peu moins agréable précédemment avec une personne ou un objet, assurez-vous de provoquer des rencontres positives plus régulièrement, car le ratio de moments plaisant est déterminant. D’où l’importance de limiter les mauvaises rencontres au maximum, surtout lors des premières expositions. Une mauvaise expérience sur vingt rencontres est moins marquante qu’une mauvaise expérience sur deux, d’autant plus si l’expérience désagréable a lieu après dix rencontres exceptionnelles.
Une maternelle offerte par des intervenants compétents et à jour sera un atout majeur dans le processus. Les éducateurs canins seront à même d’offrir un espace sécuritaire pour votre animal et vous aideront à perfectionner vos méthodes tout en créant des occasions de rêve pour socialiser. Il est d’ailleurs recommandé par les professionnels du domaine de débuter le plus rapidement possible, en fait, dès que le chiot a obtenu sa vaccination de base depuis au moins 7 jours.
La maternelle est le cours qui peut avoir le plus gros impact sur la vie future de votre chien et de votre famille. Il s’agit également du seul cours qui s’adresse principalement à votre chiot; les autres cours d’obéissance servent davantage à vous montrer comment éduquer votre chien, mais la maternelle est une activité qui vise d’abord à soutenir le développement de l’animal dans une période si courte et importante.
Soyez aussi très vigilant en regard à qui offre le cours de maternelle et qu’est-ce qui est au programme. Recherchez d’abord des éducateurs certifiés et diplômés, et assurez-vous que le programme est axé sur la socialisation et n’est pas un mini cours d’obéissance. Vous avez tout le temps du monde pour montrer un assis, obtenir un bon rappel ou une marche au pied, mais votre temps pour socialiser adéquatement est très limité. Investissez ce temps au bon endroit!
J’insiste aussi sur le fait que la maternelle est un incontournable, peu importe votre expérience avec les animaux et peu importe la race de chien que vous avez ou le genre de vie qu’il mènera. Que ce soit pour en faire un chien de chasse, un chien de foyer, un chien d'assistance ou un grand sportif, tous devraient participer à un cours de maternelle.
Il arrive que nos clients soient remplis de bonnes intentions et amènent leurs chiots au parc à chien. En plus de ne pas permettre au chien de faire des présentations à son rythme, le parc à chien est rempli d’éléments imprévisibles et ne permet pas assez de contrôle pour garantir que les expériences qui y seront vécues seront positives. En plus, ces rencontres peuvent être risquées pour la santé du chiot au système immunitaire encore inadéquat.
Lorsqu’il sera venu le temps d’organiser des rencontres entre votre chiot et des amis canins, assurez-vous de connaître le tempérament de l’autre chien et qu’il soit reconnu pour être doux et tolérant envers les chiots. Ce ne sont pas tous les chiens adultes qui apprécient la présence de chiots. Soyez également certain de connaître son état de santé et son statut vaccinal. Au départ, les rencontres canines devraient idéalement se passer en un à un et non avec un groupe de chiens.
Lorsque vous voulez rencontrer de nouvelles personnes, assurez-vous qu’elles respectent vos consignes et soient capables de rester calmes en présence du chien. Il est important qu’elles résistent à la tentation de se jeter sur le chiot pour le cajoler.
Lors de vos sorties à l'extérieur pour découvrir de nouveaux environnements, il est primordial de rester dans des endroits où votre chiot aura la possibilité de se retirer s’il en ressent le besoin. Les bains de foule ou les endroits restreints ne sont pas de bonnes idées pour les premières sorties.
Gardez en tête que votre chien n’aura pas nécessairement le même optimisme d’une journée à l’autre. Même s’il a toujours été à l’aise dans une situation, cela ne garantit pas qu’il se sentira de la même façon la prochaine fois. Continuez à lire son langage corporel, même dans les situations connues et ne prenez rien pour acquis!
Dernier piège, assurez-vous de ne jamais punir votre chien ou de lever le ton, particulièrement dans cette période délicate. Une interaction jugée effrayante pourrait causer beaucoup de tort à votre relation et même jouer sur la confiance générale de votre chien envers les humains. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles il est primordial d’utiliser des méthodes d’éducation à jour et respectueuses.
Bien entendu, la période de socialisation n’est pas quelque chose qui se termine abruptement. Le chien ne se lèvera pas soudainement à l’aube de sa 13e semaine avec une toute nouvelle façon d’aborder la nouveauté. Cette période se terminera de façon très graduelle et vous verrez qu’au fil des jours, peut-être que certaines peurs qui n’étaient pas présentes auparavant pourraient émerger.
Pas de panique, il suffit de continuer à faire ce que vous faisiez déjà, c’est-à-dire suivre le rythme de votre chiot, lire son langage corporel et récompenser ses efforts face à la nouveauté. Une fois qu’il sera confiant dans tous les environnements de son quotidien, vous pourrez graduellement mettre moins d’énergie sur cet aspect de l’éducation du chien et vous concentrer de plus en plus à l’enseignement des bonnes manières et lui apprendre comment bien se comporter dans une société centrée sur l’humain.
Si jamais votre chien semble de plus en plus peureux et que vous ne parvenez pas à lui faire apprécier certains éléments qui feront partie intégrante de son quotidien, consultez un professionnel du comportement plus tôt que tard.
Pour plus de détails et pour obtenir des procédures plus précises et concrètes, je vous invite à lire la suite de cet article sur les procédures pour socialiser adéquatement votre chiot aux objets importants, aux manipulations, aux humains et aux autres chiens.